L’épopée de Bobby Holcomb Jr
La vie de Robert Thomas Holcomb, plus connu sous le nom de Bobby, est une épopée qui débute le 25 septembre 1947, dans la magnifique Honolulu, Hawaï. C’est là que naît Robert Holcomb Jr., fruit de l’union improbable entre un père militaire métis afro-américain-amérindien originaire de Géorgie, du nom de Robert Holcomb, et une mère hawaïenne, Alika Correa, d’ascendance portugaise et espagnole.
La destinée de Bobby prend un tournant à l’âge de 11 ans lorsque sa mère, écartelée par la vie, le confie à une famille d’accueil en Californie. C’est là que commence son apprentissage à l’American School of Dance de Los Angeles, à proximité du bouillonnant ghetto de Watts.
Mais le destin de Bobby n’était pas de rester en Californie. À la fin de l’année 1966, il atterrit à San Francisco, une ville vibrante d’énergie créatrice. C’est là qu’il fait la rencontre de Simon Henderson, un événement qui allait changer le cours de sa vie. Ensemble, ils décident de partir à l’aventure en Europe en 1969. Pour échapper aux autorités américaines, Bobby adopte alors l’identité de Stanley Clark Kindred.
En 1974, leur périple les conduit jusqu’à Íos, où ils font la connaissance de Kim Dios, surnommée Kimi. Les trois âmes errantes décident de poursuivre leur voyage ensemble, à travers la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan et l’Inde.
Le tournant décisif de cette odyssée survient en février 1976, lorsqu’ils embarquent tous les trois à Gênes pour prendre le chemin de la Polynésie. Bobby Holcomb, l’artiste polymorphe, doté d’un talent pour la danse, la peinture, le chant et la composition musicale, s’apprête à entamer une nouvelle phase de sa vie, une phase qui marquera indéniablement l’histoire de la Polynésie française.
Arrivé à Tahiti en 1976, Bobby décide rapidement de s’établir dans le paisible village de Maeva, sur l’île d’Huahine. C’est ici que se révèlera sa véritable vocation, son engagement profond dans la renaissance culturelle du peuple Maohi. Il devient un membre actif du “pupu Arioi”, un groupe de troubadours et d’intellectuels polynésiens inspiré par le mouvement de 1968. Avec des personnalités telles qu’Henri Hiro, Rigobert Temanupaiura, John Mairai, Coco Hotahota, Vaihere et Heipua Bordes, Bobby se lance dans une révolution culturelle visant à réaffirmer l’identité Ma’ohi, sa langue, son savoir-faire, son agriculture, sa spiritualité, et à dénoncer les injustices de la colonisation française, les essais nucléaires et l’évangélisation.
Ce parcours unique dans la vie de Bobby culmine avec son élection comme “homme de l’année 1988”. Cependant, les derniers moments de sa vie furent empreints de douleur. À la fin de l’année 1990, Bobby, affaibli et souffrant de terribles douleurs au cou, décide de consulter un médecin à Papeete, la capitale de la Polynésie, lors d’une soirée de gala. En pleine pandémie de sida et en tant qu’homme ouvertement homosexuel, les préjugés erronés sur sa séropositivité ne tardent pas à s’intensifier dès son admission. Les médecins lui délivrent un diagnostic implacable : un cancer des vertèbres incurable.
Pris en charge par Dorothy Levy, qui préfère d’abord cacher la gravité de sa maladie, Bobby retourne chez lui à Maeva. Dans une période où l’opium est la seule forme de soulagement, il reçoit et répond aux appels de ses amis, tous informés par Dorothy de sa situation. Déshydraté et affaibli, il est finalement conduit au dispensaire de Fare, où il s’éteint paisiblement le soir du 15 février 1991. Ainsi, Bobby Holcomb trouve son dernier repos au pied de la majestueuse montagne sacrée Mou’a Tapu, à Huahine, laissant derrière lui un héritage culturel et artistique inestimable pour la Polynésie française.